Tout comme la perception du corps, l’histoire du maillot de bain féminin est en lien avec les mœurs de chaque époque et a été, dès sa création, un symbole de transgression.
Alors que l’Antiquité prône la philosophie de l’esprit sain dans un corps sain, les représentations illustrent des femmes en plein entraînement, portant des brassières et des culottes courtes, deux pièces qui se rapprochent de notre bikini actuel. Néanmoins, avec l’arrivée de la doctrine chrétienne et la crainte de l’eau en tant que vecteur de maladies, les corps se cachent de plus en plus.
Cette situation perdure jusqu’au XIXe siècle. Les avancées scientifiques, qui prouvent que l’eau est en fait synonyme d’hygiène, réinvitent cette ressource dans le quotidien de l’être humain. L’aristocratie et la bourgeoisie commencent dès lors à prendre goût aux bains de mer et envahissent les plages. Cependant, il est hors de question que ces femmes bien nées exhibent leur corps à la vue de tous. Elles sont donc tenues de porter des costumes complets, composé de nombreuses pièces : un pantalon bouffant jusqu’aux genoux, une chemise large, un bonnet, des bas et des chaussures, destinés à cacher chaque centimètre de peau. Certaines sources avancent d’ailleurs que cet habit de laine, une fois gorgé d’eau, pouvait peser plusieurs kilogrammes. Les femmes avaient alors besoin d’aide pour sortir de l’eau. Elles disposaient aussi de « machine de bain », une cabine sur roues qui leur permettait de se baigner en toute discrétion sans avoir à revenir sur le rivage en tenue inappropriée.
Néanmoins, le maillot de bain va rapidement rétrécir. En 1907, la nageuse australienne Annette Kellermann est arrêtée par la police de Boston pour indécence. En effet, elle porte une tenue qui, en plus d’être trop près du corps, laisse à découvert sa gorge et ses bras. C’est le début du maillot une pièce qui sera, au cours des décennies suivantes, repensé afin de devenir plus pratique et plus esthétique. Les années 1920 sont à cet effet déterminantes. C’est le moment où Coco Chanel met à la mode le bronzage. La tenue de bain suit cette nouvelle tendance et se réduit considérablement.
Il faudra attendre les années 1930 pour voir les premiers maillots deux pièces. Jacques Heim conçoit un soutien-gorge et une culotte-short taille haute qui cache le nombril. Cette règle tacite, en vigueur à Hollywood dès 1934, demandait notamment aux actrices de ne pas dévoiler leur ventre et, plus précisément, leur nombril.
L’histoire du bikini moderne ne commence que le 5 juillet 1946, à l’hôtel Molitor de Paris, lors d’un concours de beauté. Louis Réard, un ancien ingénieur reconverti en tailleur et propriétaire d’un magasin de lingerie hérité de sa mère, dévoile au monde le maillot de bain le plus petit du monde : quatre triangles de 30 pouces en tissu imprimé. Son but ? Que les femmes se sentent libres, confiantes et élégantes sur les plages et au bord des piscines. Le mot « bikini » qui est choisi pour ce modèle, fait écho à l’île Bikini, dans l’archipel Marshall, lieu où l’armée des Etats-Unis testaient ses armes nucléaires.
Dans ses premières années, le bikini est acclamé et décrié. En 1949, il est interdit sur les plages françaises, belges, espagnoles et italiennes. Dans les années 1950, il est adopté sur la côte d’azur, par la jet-set ainsi que par les stars de cinéma. Jayne Mansfield, Raquel Welch ou encore Ava Gardner démocratisent le deux pièces, sans oublier Brigitte Bardot qui, en 1953, est immortalisée sur la plage du Carlton, au festival de Cannes. En 1967, 67% des femmes américaines déclarent avoir adopté le bikini sur la plage. Ce contexte voit, parallèlement, la révolution sexuelle, le droit à l’avortement ainsi que la normalisation de la pilule contraceptive.
Ce n’est cependant qu’à partir des années 1980 que le tabou disparaît totalement. Le bikini adopte toutes les formes et toutes les couleurs. Il s’adapte aux goûts de chacune des femmes et suit les modes pour, finalement, effacer les préjugés, les condamnations et les interdictions tant sur le vêtement que sur ce qu’il cache ou, selon le point de vue, ce qu’il dévoile : le corps de la femme.